éditoriaux

Crédibilité, confiance, crédit

Crédibilité, confiance, crédit

La pensée sorcière

La pensée sorcière

Depuis le livre de Monique Chollet, Sorcières. La puissance invaincue des femmes (La Découverte, 2018), les sorcières sont devenues des figures de la culture féministe, qu'une récente anthologie est venue à mettre en évidence. Mais c'est bien sûr l’historien Jules Michelet, avec La Sorcière paru en 1862, que l'on doit regader comme l’un des inventeurs de ce mythe moderne et le précurseur de contestations tout à fait actuelles. Dans La pensée sorcière. Michelet 1862 (CNRS éd.), Paule Petitier montre comment Michelet s'est idéntié à sa Sorcière, Michelet, a su rompre avec l'historien de son temps pour partir en exploration dans le continent perdu de la sorcellerie. Il s’appuie sur sa connaissance générale de l’histoire médiévale mais aussi sur la fiction, la poésie, le conte et le mythe pour reconstituer la figure de la sorcière. À travers elle, il évoque la femme créatrice, son rapport alternatif avec le monde naturel et dénonce le grand enfermement des femmes aux Temps modernes. Paule Petitier, attentive à la richesse du texte de Michelet, en déploie le subtil feuilletage et les enjeux relatifs à la place des femmes dans le monde et l’histoire. Fabula vous invite à lire un extrait de l'ouvrage et parcourir le sommaire…

(Illustr. : Paul Sérusier, L'Incantation ou Le Bois sacré, 1891, Musée des Arts de Quimper)

Barrès aujourd'hui

Barrès aujourd'hui

Dans les mois qui suivirent la mort de Maurice Barrès en décembre 1823, de nombreux hommages parurent dans la presse et les revues. L’auteur, pour qui furent organisées des funérailles nationales, n’eut pourtant pas l’honneur d’un numéro spécial de La Nouvelle Revue française, contrairement à Marcel Proust ou à Joseph Conrad, le premier décédé un an plus tôt et le second quelques mois plus tard. C’est que malgré l’influence exercée sur les écrivains de l’entre-deux-guerres, le "professeur d’énergie" fut, dès avant son décès, remis en cause pour son nationalisme exacerbé et pour son indéniable antisémitisme. Depuis lors, Maurice Barrès a connu une fortune paradoxale. Sans jamais bénéficier d’une institutionnalisation, de canonisation ou de réhabilitation, il n’a pas non plus été oublié : son ombre plane sur la littérature du premier XXe siècle, de sorte que son nom a traversé l’histoire littéraire. Aujourd’hui, qu’en reste-t-il ? Le centenaire de sa mort a été commémoré par plusieurs publications qui réévaluent ou envisagent sous un jour inédit l’œuvre barrésien. Faut-il ou peut-on encore lire Barrès ? Ou plutôt : comment le faire ? Au sein du sommaire de mai d'Acta fabula, le septante-sixième dossier critique de notre revue des parutions essaie de répondre à cette question.

(Illustr. : Portrait de Maurice Barrès par Jacques-Émile Blanche, vers 1890, © Bibliothèque nationale de France, Paris)

Baudelaire au grand complet

Baudelaire au grand complet

La "Bibliothèque de la Pléiade" donne une nouvelle édition des Œuvres complètes de Baudelaire en deux fort volumes, préfacés par Antoine Compagnon et publiés sous la direction d'André Guyaux et Andrea Schellino, avec la collaboration d'Aurélia Cervoni, Antoine Compagnon, Romain Jalabert, Bertrand Marchal, Henri Scepi, Jean-Luc Steinmetz, Matthieu Vernet et Julien Zanetta. C'est déjà la troisième, après celle qui inaugura en 1931 la collection elle-même, à l'initiative de Jacques Schiffrin, et celle de Claude Pichois qui faisait autorité depuis 1975. Les nouvelles Œuvres complètes rompent avec l'usage qui partageait l'œuvre entre poésie et critique. Le sommaire est désormais pleinement chronologique. Des Fleurs du Mal les deux éditions, 1857 et 1861 sont proposées dans leur intégralité. Elles sont précédées de toutes les prépublications de poèmes dans la presse, parfois réunies par Baudelaire en de petits recueils transitoires, tel Les Limbes en 1851. Les Épaves retrouvent leur autonomie et leur date. L’édition du Spleen de Paris ne dissimule plus la diversité des origines des poèmes en prose qui s’y trouvent rassemblés et fait entrer le lecteur dans l’atelier du poète : quand deux versions sensiblement différentes existent pour un même texte, toutes deux sont publiées. À leurs dates respectives, les différents Salons dialoguent avec les autres écrits. Les poèmes envoyés à Théophile Gautier dans l’espoir (en partie déçu) qu’il les publie en revue retrouvent leurs liasses originelles. Les féroces manuscrits "belges", enfin, font l’objet d’un nouvel établissement du texte et d’une présentation plus conforme à leur matérialité. L’œuvre qui a "déterminé les voies de la poésie future", selon le mot d'Antoine Compagnon, s’écrit et se déploie sous les yeux du lecteur. Les deux volumes de la Correspondance sont réédités pour l'occasion : mille quatre cent vingt lettres et témoins. Le traditionnel Album sous la signature de Stéphane Guégan accompagne l'événement.

Gilles Ortlieb voyageur sans bagages

Gilles Ortlieb voyageur sans bagages

Forte déjà d’une trentaine de livres, l’œuvre de Gilles Ortlieb est celle d’un écrivain tour à tour flâneur, fantôme, voyageur sans bagages, aventurier de la lenteur, archéologue des friches et des jachères, scribe de l’effacement et géographe de l’âme du monde. Dans Le Sel, la Dame, et l'Eponge qui paraît ces jours-ci aux éditions Le Bruit du temps, il tente une nouvelle fois de saisir "les quelques traits de craie que les vies humaines déposent dans les lieux où les emportent les hasards de l’existence". La découverte, en 2018, à la pointe de la Camargue, dans un bout du monde aussi délaissé que le Grand Est industriel, de la petite cité de Salin de Giraud qui abrite encore aujourd’hui une importante communauté grecque, ne pouvait qu’émouvoir le traducteur de Georges Séféris — que l’on a vu dans Journées toujours à l’affût de ce qui, à l’étranger, pouvait lui rappeler son pays. Partout, dans ce bourg presque abandonné, reste vivace le souvenir de ces migrants qui sont venus s’y installer pour gagner leur pain dans les salines au lendemain de la Première Guerre, après avoir été chassés non seulement d’Asie Mineure par les Turcs (comme l’avait été Séféris), mais de la Crimée par la Révolution russe. Les mêmes presses rééditent à cette occasion Au Grand Miroir initialement paru dans la collection "L'Un et l'autre" du regretté J.-B. Pontalis : le titre fait référence à la chambre 39 de l’hôtel du Grand Miroir, dans la rue de la Montagne, à Bruxelles, que Baudelaire occupa à la toute fin de sa vie, de juillet 1864 à juillet 1866. Car ce à quoi Gilles Ortlieb a souhaité se confronter en écrivant cet essai, c’est à l’énigme que pose la vision d’un poète non pas dépossédé tout à fait de ses propres ressources d’imagination, mais sous l’emprise de deux aspirations contradictoires : la fuite (de Paris, du travail, de soi) et la recherche (de soi, d’un livre et, en définitive, de la mort). Un troisième titre paraît dans le même temps aux éditions Fata Morgana avec des illustrations de Denis Martin : Cabotages, un journal intime où l’auteur dépose sa prose limpide et malicieuse sur un quotidien aussi singulier que surprenant — la rentrée littéraire, une béquille abandonnée dans un escalier du métro, la signalétique des rues parisiennes, un dimanche brumeux, les trajets de vacances et d’autres encore… Saluons encore la traduction par Gilles Ortlieb des Poèmes anciens ou retrouvés de Constantin Cavafis, accueillie chez Seghers, et rappelons son précédent essai sur Arthur Adamov : Un Dénuement (Fario éd.), mais aussi le cahier que la revue Europe lui avait consacré en 2022.

Tous les imaginaires du monde

Tous les imaginaires du monde

Hans Ulrich Obrist et Édouard Glissant se rencontrent vers la fin des années 1990 à Paris. Débute alors une relation d’une intensité exceptionnelle, qui leur donna l’occasion de réaliser ensemble une douzaine de conversations publiques, d’entretiens privés. Depuis lors, les projets d’Obrist (expositions, performances ou publications collectives, pratique de l’entretien et de l’archivage, création de territoires et décentralité) sont directement inspirés du concept de Mondialité comme processus perpétuel de mise en relation. Sous le titre Dans un monde imprévisible, l'utopie est nécessaire (Seuil/Luma), un volume vient réunir plusieurs entretiens d'Hans Ulrich Obrist avec Édouard Glissant, qui rappellent l’importance littéraire, philosophique, politique d'Édouard Glissant - dont la notion d’archipel ne cesse de nourrir les réflexions et les recherches les plus contemporaines dans tous les domaines. Cet ensemble de dialogues est complété par diverses archives et contributions d'artistes. Fabula vous invite à lire un extrait du recueil…

(Illustr. : Vue de L'Archive de Hans-Ulrich Obrist : Chapitre 1 Édouard Glissant — Où tous les imaginaires du monde peuvent se rencontrer et s’entendre, LUMA Arles, ©Arthur Fouray)

Allumeuse

Allumeuse
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